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Les plats sautés du Land Spring Garden sont préparés selon la recette chinoise traditionnelle : des aubergines, des œufs, des poivrons verts et du poulet froid. Mais l’établissement n’est pas un restaurant ordinaire, et sa cuisine vient littéralement d’une autre planète, puisqu’il utilise des légumes géants qui ont muté dans l’espace. Situé à Sunhe, près de Pékin, le Land Spring Garden est le premier restaurant de Chine à servir ce que le gouvernement espère un jour proposer à l’immense population chinoise : des fruits et des légumes nucléaires.
Le 17 octobre, après avoir effectué le deuxième vol spatial habité de l’histoire du pays, les deux taïkonautes chinois sont rentrés sur Terre en atterrissant dans les steppes de Mongolie-Intérieure. Selon les déclarations de Pékin, cette mission représentait un tremplin pour l’envoi d’un homme sur la Lune. C’était aussi un signe de la grande – pour ne pas dire démesurée – ambition de la Chine de devenir une puissance mondiale. Annoncée à grand renfort de publicité dans les médias d’Etat, la présence de graines dans la capsule était une autre marque de cette ambition. Car la Chine possède le plus vaste, et peut-être l’unique, programme mondial de mutation de plantes dans l’espace destiné à améliorer le rendement des récoltes.
Le menu du Land Spring Garden est le fruit de ce programme : les premiers légumes issus de ces mutations ont été mis en vente cette année. Le projet a été lancé en 1987, quand il s’est avéré que les premières graines emportées dans l’espace et exposées au rayonnement fossile de la galaxie sous une gravité zéro subissaient une série de mutations. Depuis lors, des engins spatiaux transportent des centaines de graines de différent type. Les plus prometteuses sont cultivées pendant quatre ans, donnant de “supervariétés”.
“Ces expériences montrent que la teneur en vitamines des légumes issus de graines ayant muté dans l’espace est 281,5 fois supérieure à celle des légumes ordinaires”, ont annoncé les médias d’Etat avec leur habituelle précision. Les résultats les plus encourageants ont été obtenus avec les aubergines, les poivrons verts et les tomates. Les aubergines ont pratiquement la taille d’un ballon de foot, les tomates ont un rendement plus élevé et les poivrons ont davantage de goût. L’expérience s’est également révélée concluante avec des céréales comme le riz et le blé.
“Les modifications sont infimes : la différence génétique utile est de 3 %”, précise le Pr Liu Luxiang, de l’Académie chinoise d’agronomie. “C’est après trois ou quatre générations cultivées sur plusieurs années qu’on obtient une plante stable. Il ne faut pas croire qu’un voyage dans l’espace suffit.” Ce professeur écarte l’idée que l’irradiation de denrées alimentaires puisse être dangereuse. “On ne fait qu’accélérer l’évolution naturelle”, dit-il. N’hésitant pas à tester lui-même ces aliments de l’espace, il ajoute : “J’ai surtout mangé des poivrons. Ils ne sont pas très beaux – ils sont tout ridés –, mais ils sont croquants et sucrés.” Les scientifiques occidentaux n’en restent pas moins sceptiques, soulignant qu’on obtiendrait le même effet en irradiant ces graines sur Terre, mais que les consommateurs hostiles aux OGM s’y opposeraient.
Les responsables de la ferme où s’approvisionne le Land Spring Garden espèrent produire à plein régime d’ici aux Jeux olympiques de 2008. “Nous cultivons trente variétés de légumes et même des fleurs”, se flatte Zhang Hongxiang, qui tient dans ses mains une calebasse de 1,5 m de long, également appelée “courge spaghetti”. Selon lui, le principal avantage de ces légumes n’est pas tant la taille que le rendement et le goût. Une femme du nom de Huang Yumei confirme cette opinion. “Je vous avertis, ils sont extrêmement épicés”, lance-t-elle en triant un tas de piments rouges.